05/02/2019 - 16:51
L’épave de La Trinité sera rendue à la France : un morceau d’histoire dieppoise refait surface
<p><strong>L’épave du navire du navigateur dieppois Jean Ribault coulée en 1565 au large de la Floride doit être rendue à la France sur décision de la justice américaine. Les recherches historiques vont pouvoir débuter sur ces vestigeset apporter des éclairages sur l’histoire de la présence française en Amérique.</strong></p>
<p>Une bataille navale perdue il y a cinq siècles, une bataille judiciaire gagnée de haute lutte en 2018... L’épave de La Trinité, navire de l’armateur dieppois Jean Ribault découverte en mai 2016 par des chasseurs de trésor doit être restituée à la France sur décision de la justice américaine, nous apprend l’association patrimoniale Terres et mers d’ivoire. C’est ce qu’a décidé le 29 juin dernier le jugement fédéral rendu à Orlando (Floride) contre la société Global Marine Exploration, qui niait cette appartenance et espérait ainsi tirer profit des pièces trouvées sur le navire. Parmi elles : trois canons en bronze et un monument en marbre portant la fleur de lys, symbole du royaume de France. Restituées à la France au lieu d’être vendues, ces pièces pourront donner lieu à des recherches et intégrer des collections de musées.</p>
<p>La justice américaine a ainsi tranché en faveur de la France, soutenue par l’État de Floride, sur la base des pièces trouvées à bord du navire et à l’aide de nombreuses archives produites par l’historien John de Bry, paléographe, qui dirige le Centre pour l'archéologie historique (Indialantic, Floride) ainsi que, côté français, par l’historien Frank Lestringant, professeur à la Sorbonne et Sylvie Leluc, conservateur de l’Artillerie au Musée de l’Armée à Paris. <em>« Les restes de La Trinité représentent, à mon avis, l’épave, historiquement et archéologiquement, la plus importante jamais trouvée en Amérique du Nord »</em>, s’extasie l’historien John de Bry, de passage à Dieppe en ce mois de février après être déjà venu l’an dernier pour une conférence avec Terres et mers d’ivoire ainsi qu’en 2013 dans la cadre du colloque organisé par l’association patrimoniale sur l’armateur dieppois Jean Ribault. <em>« Comme nous savons que ce navire avait été acheté, fretté, et armé par la couronne de France (Charles IX), c’est donc un bâtiment du pavillon et reste la propriété de France peu importe le passage du temps »</em>, se félicite John de Bry.</p>
<p><strong>Plus vieille épave française du Nouveau Monde</strong></p>
<p>Côté américain, l’intérêt historique n’est pas moindre. En 2016 dans le journal francophone Le Courrier de Floride, Chuck Meide, directeur du programme d’archéologie maritime au St. Augustine Lighthouse & Museum, s’exclamait : <em>« Il s’agit de la plus vieille épave française de tout le Nouveau Monde, de l’extrémité de l’Amérique du Sud jusqu’au Canada. C’était la première fois que vous aviez des Européens à chercher la liberté religieuse dans le Nouveau Monde. C’est l’histoire de l’Amérique. C’est la naissance de la Floride. C’est l’histoire des origines. »</em> L’enthousiasme de John de Bry n’est moindre, d’autant que les fouilles n’ont pas encore débuté : <em>« Outre les canons et la borne en marbre, de nombreux objets étaient transportés vers la nouvelle colonie. Il est très intéressant de voir ce que les gens emportaient avec eux pour un tel voyage. Nous en avons eu l’expérience sur La Belle de Cavelier de La Salle. Le travail de recherche va maintenant pouvoir commencer. Les équipes se mettent en place pour fouiller l’épave. Nous allons être en mesure d’ouvrir une fenêtre sur le monde dieppois, sur la forte présence des Huguenots dans cette tentative de colonisation, ainsi que sur la vie journalière de cette première moitié du XVIe siècle, que ce soit sur terre ferme ou en mer. Finalement, il est certain que l’importance de Dieppe dans les navigations du XVIe siècle va finalement être remise en valeur. »</em></p>
<p>Pour la Ville de Dieppe, <em>« le jugement américain est important. Il éconduit les chasseurs de trésors de grandes compagnies privées qui font des bénéfices sur le dos du patrimoine historique de l’humanité. De plus, il ouvre des perspectives de recherches historiques et d’enrichissement des collections publiques</em>, se réjouit Nicolas Langlois, maire de Dieppe. <em>Nous sommes très attentifs à tout ce qui touche à l’histoire et à l’identité maritime de Dieppe, qui doit pouvoir être partagé par tous ses habitants ».</em></p>
<p><strong>Ribault, un nom ancré à Dieppe</strong></p>
<p><em>« L’histoire avait débuté en 1562, lorsque l'amiral de France Gaspard de Coligny, chef des huguenots, envoie une expédition protestante outre-Atlantique pour le compte de la couronne de France. Son but est surtout de trouver un endroit où ses coreligionnaires pourraient vivre en paix. Confiée au Dieppois Jean Ribault, la mission arrive en Floride et construit un fort baptisé Charlesfort (actuellement, Parris Island en Caroline du Sud), en l'honneur du roi Charles IX. Mais cette première tentative tourne court »</em>, détaillait Pierre Barthélémy dans Le Monde du 31 juillet 2006. Ribault revient trois ans plus tard, pour une expédition lancée en juin 1565 afin de soutenir la présence française, notamment la colonie établie à Fort Caroline (actuelle Jacksonville). À son arrivée en septembre, il fait face à la flotte espagnole de Pedro Menéndez lancée à sa poursuite dans la lutte tout à la fois contre la présence française et le protestantisme. Après une semaine d’affrontements et de courses-poursuites, la flotte de Jean Ribault est frappée le 12 septembre par une terrible tempête et sombre au large de l’actuel Cap Canaveral.</p>
<p>Fort Caroline est prise par les troupes espagnoles le 20 septembre. Pas moins de 200 hommes sont passés au fil de l’épée le 29 septembre. Jean Ribault et 70 à 150 hommes sont tués le 11 octobre. <em>« Il était tellement important pour eux que l'on découpa son visage afin de le montrer en Espagne »</em>, raconte John de Bry. De fait, la présence française en Floride est réduite à néant.</p>
<p>Une histoire qui a laissé des traces à Dieppe. Ainsi, sur l’esplanade du musée, une colonne dite Colonne Ribault a été érigée en 1935 par la Ville de Dieppe, les Amys du vieux Dieppe et le comité protestant des amitiés françaises à l’étranger. En outre, la Ville de Dieppe dispose de fonds patrimoniaux relatifs à Jean Ribault et aux expéditions en Floride (Fonds Ancien et Local Médiathèque Jean Renoir et Château-Musée Dieppe).</p>
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