06/02/2024 - 11:37
Gilles Perret : « La simplicité des Dieppois me touche »
<p>Le 3 février, <a href="http://www.facebook.com/GillesPerret68">le réalisateur de documentaires Gilles Perret</a> est venu, en compagnie de sa compagne scénariste Marion Richoux, présenter son dernier film <em>La Ferme des Bertrand</em> <a href="https://dieppe.megarama.fr/FR/9/cinema-dieppe-dieppe.html">aux cinémas Mégarama</a>. Entretien avec le cinéaste qui aborde principalement des thèmes socio-économiques (<em>Ma mondialisation </em>; <em>De mémoire d'ouvriers</em> ; <em>J'veux du soleil </em>; <em>Debout les femmes !</em> ; <em>Reprise en main</em>…) ou socio-historiques (<em>Walter, retour en résistance</em> ; <em>Les jours heureux </em>; <em>La Sociale</em>…).</p>
<p>• <strong><em>La Ferme des Bertrand</em> est la suite du premier documentaire que vous aviez sorti il y a vingt-cinq ans…</strong></p>
<p>Oui, j'ai fait <em>Trois frères pour une vie</em> — NDLR : film sorti en 1999 présentant une exploitation laitière savoyarde — à une époque où je ne connaissais rien au documentaire. J'avais juste posé ma caméra et laissé la parole aux gens. Un film à hauteur d'hommes. C'est une fois qu'il a été fait qu'on m'a dit que c'était un documentaire ! Il a été primé dans des petits festivals, il a eu un gros succès dans les petites salles. On s'était dit avec Marion — Marion Richoux, sa compagne, scénariste — qu'on allait le ressortir au cinéma. Et puis, quand on a su qu'Hélène — qui avait récupéré la ferme en 1997 — partait en retraite et qu'elle laissait la ferme à son fils qui allait robotiser l'exploitation, on a sauté sur l'occasion pour reposer les caméras là-bas. Avec <em>La Ferme des Bertrand</em>, on emmène les spectateurs dans une saga familiale de cinquante ans (NDLR : avant <em>Trois frères pour une vie</em>, un reportage sur la ferme de Marcel Trillat était paru en 1972). C'est la ferme de mes voisins, elle est située à 80 mètres de ma résidence de toujours, dans un hameau de Haute-Savoie !</p>
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<p>• <strong>Votre film sort en pleine colère des agriculteurs ?</strong></p>
<p>Cette coïncidence est dingue, c'était pas calculée ! (rires) On s'est glissés dans la brèche de l'actualité et ça a donné une visibilité à notre film. Mais le documentaire détonne par rapport à la crise agricole. Car on a filmé une ferme dans laquelle tout ça se passe bien. Elle est dans une zone d'Appellation d'origine protégée (NDLR : AOP) Reblochon où il y a beaucoup de règles et de protectionnisme, à l'encontre du libre-échange. C'est un contre-exemple de ce que demandent les agriculteurs. Je comprends leurs revendications, ils sont tellement pris à la gorge… </p>
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<p>• <strong>Le monde du travail vous inspire ?</strong></p>
<p>Oui, tous mes films interrogent le sens du travail, ce qu'il représente dans notre vie, mais aussi le mal-travail. Les classes populaires sont sous-représentées au cinéma et à la télé. J'essaye de les rendre visibles. Mon boulot est de restituer les histoires de ces gens. Le but est que ces gens des classes populaires qu'on filme ou qui se reconnaissent dans ces histoires viennent voir mes films ! On ne souffre pas de médiatisation dans la presse cinématographique. Mais on a du mal à toucher les médias grand public alors qu'on revendique de faire un cinéma populaire…</p>
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<p>• <strong>Avec <em>La ferme des Bertrand,</em> vous mettez encore en avant des travailleurs invisibles ?</strong></p>
<p>Oui. Les agriculteurs souffrent de dévalorisation. Ils ont été invisibilisés, mais pas sur le même plan que les ouvriers. Dans le film, la ferme se mécanise, et comme ils sont propriétaires d'une partie de leurs terres et comme ils sont maîtres de leur outil de travail, les gains de temps obtenus sont pour eux. Contrairement aux ouvriers où la robotisation leur a fait perdre des emplois. Mon discours sur les technologies, c'est que ce n'est pas nocifs pour les travailleurs si cela permet d'alléger leurs charges ! </p>
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<p>• <strong>Vous partez régulièrement à la rencontre des publics ?</strong></p>
<p>Oui, c'est agréable. Après, si on fait des films sur les gens, c'est pour les voir aussi ! J'ai une relation particulière avec le public. Je les ai habitué à être près d'eux. J'aime les contacts humains. </p>
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<p>• <strong>Votre avez un lien fort avec Dieppe ? </strong></p>
<p>Je viens souvent présenter mes films ici. Les élus dieppois ont une sincère préoccupation des problèmes sociaux. Chez moi, en Haute-Savoie, il y a zéro préoccupation sociale ! Ici, des collectivités, des responsables politiques ont des préoccupations pour le plus grand nombre. On est venus à Dieppe pour tourner <em>Debout les femmes !</em> (NDLR : documentaire, sorti en 2021 et coréalisé avec le député de la Somme François Ruffin, sur la précarité d’auxiliaires de vie sociale, d'accompagnants d'élèves en situation de handicap, de femmes de ménage…) Et on n'était pas venus par hasard, car il y avait l'expérience dieppoise de la création d'un statut des aides à domicile. Ça s'est fait automatiquement, car j'essaye de faire vivre des expériences qui marchent bien et sont porteuses d'espoir. On a noué des liens avec les aides à domicile dieppoises, Delphine, Isabelle, Sabrina. Et puis, à Dieppe, on sent le côté populaire et la simplicité des gens, et c'est c'est ce qui me touche ! Il n'y a pas d'artifice, pas de posture, pas d'élitisme !</p>
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<p>• <strong>Quels sont vos futurs projets ?</strong></p>
<p>D'abord, une deuxième fiction avec Marion, après <em>Reprise en main (NDLR : sortie en 2022) </em>et un nouveau projet avec François Ruffin, mais je ne peux pas en dire plus pour le moment !</p>
<p><strong><em>Propos recueillis par Pierre Leduc - © Photo : Pascal Diologent (service Communication de la Ville)</em></strong></p>
<p><em>À noter que La ferme des Bertrand est visible au Mégarama les 8, 9, 12 et 13 février, avec à chaque fois deux séances l'une à 14 heures, l'autre à 16 heures. </em></p>
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